UTOPIE FUTURISTE

2016

Une atmosphère de film d’anticipation plane le long des avenues encore un peu vides, bâties sur des polders gagnés sur les eaux boueuses de la mer Jaune.
À 60 kilomètres de Séoul, la ville laboratoire de la vie ultraconnectée de Songdo est le terrain de jeu et d’expérimentations du groupe Cisco qui entame sa construction en 2003 et la terminera en 2022. Cette première grande ville intelligente a maintenant ses petites sœurs en chantier un peu partout dans le monde. Reliée par un spectaculaire viaduc à l’aéroport international d’Incheon, Songdo doit être un aérotropolis attirant les QG régionaux des multinationales dans une «ville idéale» inspirée de Sydney, New York ou Venise.

A Songdo, tout est fait pour attirer les familles. Les meilleures universités sont en effet ici (Chadwick, Yonsei, Incheon Global Campus University etc). Service prometteur dans un pays confucéen obsédé par la réussite éducative. J’ai rencontré en majorité des résidents enthousiastes et fiers de vivre dans cette nouvelle ville. Cela correspond tout à fait à la demande de la plupart des Coréens (surprotection, éducation de prestige, cadre de vie plus propice aux loisirs, aéroport). Restent encore à convaincre plus d’étrangers. Malgré la volonté de faire de Songdo une ville internationale (Chadwick School, ONU, Global Fund, World Bank, Samsung Bio), elle reste très coréenne pour l’instant (environ 3’000/100’000 résidents). L’objectif pour la ville est d’atteindre 200’000 habitants pour 2022. En créant une zone franche, le but était d’attirer les investisseurs.

Estimée à 35 milliards de dollars, cette « Smart City » représente un exemple de ce que pourrait être la ville du futur. Elle incarne notre intérêt croissant pour les nouvelles technologies et leur impact sur la vie quotidienne dans un souci pratique comme écologique.

Mais elle symbolise aussi cette dictature invisible du numérique, notre tyrannie du bien-être et l’obsession de la sécurité.

« Soucieuse du bien-être » de ses habitants, Songdo possède un cerveau central qui contrôle le flux du trafic (même si, pour l’instant, la ville reste encore sous-peuplée par rapport à sa capacité) et la criminalité avec ses caméras de surveillance placées un peu partout. Chaque appartement, tous construits à l’identique, possède également un écran avec la possibilité pour les résidents d’avoir un œil sur les parcs du quartier par exemple. Les mamans adorent, car elles peuvent surveiller leurs enfants sans sortir de chez elles. D’ailleurs, pour toutes ces raisons, les résidents semblent vivre dans des clapiers.

Les bâtiments de la ville sont équipés de panneaux numériques qui régulent la consommation en ressources. Ils permettent aux habitants de faire une gestion en temps réel de leur consommation en eau et en électricité par exemple. Les poubelles n’existent pratiquement pas, un système souterrain de gestion des déchets a été mis en place partant directement des appartements.

En conclusion, à l’heure où la Corée vient de subir le plus spectaculaire développement économique au monde, Songdo semble un terrain de recherches fascinant pour ce pays. Pays très axé sur le travail et l’éducation, le concept de « Smart City » a l’avantage de permettre à la Corée de penser pour la première fois le rapport travail/loisir. Et plus largement, de se questionner sur la notion de société de contrôle.

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